Eaux Nestlé : de scandale en scandale

Alors qu’avec le dérèglement climatique, l’accès à l’eau potable est plus que jamais une source d’inquiétude sur nos territoires, une série de scandales sanitaires a touché ces derniers mois l’eau en bouteille, et particulièrement celle du groupe Nestlé Waters, détenteur de marques comme Vittel, Hépar ou Perrier.

Le problème ne date pas d’hier : depuis 2021 et le signalement d’un ancien salarié du groupe Alma sur les techniques de filtration utilisées dans ses usines[1], le monde de l’eau en bouteille ne cesse de dévoiler des pratiques de plus en plus douteuses. Suite à ce signalement, la DGCCRF avait révélé l’utilisation systématique, chez Nestlé, de techniques de purification comme les filtres à charbon ou les rayons UV, alors même que l’eau était étiquetée «naturelle» [voir à ce sujet notre article de février]. Premier camouflet pour l’industriel, qui s’opposait ainsi au droit Européen, même si le gouvernement français, au courant depuis le début, avait préféré alléger la réglementation que saisir la justice et ébruiter l’affaire[2].

Des polluants de toutes sortes

A la suite de cette affaire s’est logiquement posée la question de la qualité des sources exploitées par Nestlé. Car si l’eau était pure et potable, aucun filtre n’aurait été nécessaire. Ainsi, dès l’été 2023, les Agences Régionales de Santé du Gard et d’Occitanie ont alerté l’ANSES (Agence nationale de sécurité sanitaire) de contaminations touchant des sites de Nestlé, notamment celui de Vergèze, où est produite la marque Perrier, et ont demandé de plus amples investigations[3]. Ces investigations, bien que rendues difficiles pour l’agence de santé, ont mené en octobre dernier à un rapport attestant d’un “niveau de confiance insuffisant” pour “garantir la qualité sanitaire des produits finis”. De quoi inquiéter les consommateurs de ces marques, car rien n’indique que les autres sites soient irréprochables.

Mais de quelles contaminations parle-t-on ? Un article du Monde[4] évoque les “PFAS” ou “polluants éternels”, utilisés dans la confection de matériel de cuisine, de textiles ou d’emballages. Ces substances chimiques très résistantes ne se désintègrent quasiment pas et restent présentes dans le corps, comme l’atteste le rapport de l’ANSES[5] à ce sujet. Elles pourraient engendrer chez l’humain des effets délétères, comme l’augmentation du taux de cholestérol ou du risque de cancers. Mais le rapport pointe aussi du doigt des “contaminations microbiologiques d’origine fécale dans certaines ressources”, sur les sites des Vosges (Vittel, Contrex, Hépar) et du Gard (Perrier). La présence de bactéries coliformes, d’Escherichia coli, d’entérocoques, indique bien que l’eau a été contaminée par des selles sur 5 des 7 sites investigués. Enfin, on peut rajouter à cela la persistance de pesticides qui “peuvent dépasser 0,1 microgramme par litre pour certains captages” ce qui est la limite autorisée pour la potabilité d’une eau.

Une confiance en berne

Tout cela survient alors que le géant Nestlé avait assuré fin Janvier à France Info que « la sécurité sanitaire de nos produits a toujours été garantie et reste notre priorité absolue[6]« . Comment expliquer alors ces manquements graves aux réglementations, et l’absence d’informations claires sur les eaux aujourd’hui commercialisées, et achetées par les consommateurs ? Pour l’association Foodwatch, interrogée le 4 avril par France Info, le manque d’information est criant, il règne un “silence assourdissant[7] de la part de l’industriel et du gouvernement, et rien n’est fait pour alerter les autres pays européens qui commercialisent ces marques.

Jeudi 11 avril, le Sénat a officiellement lancé une mission parlementaire sur les suspicions de contamination des eaux minérales naturelles du groupe Nestlé Waters. Leur objectif ? « Faire la lumière sur les défaillances de l’Etat»[8] sur les politiques publiques de contrôle et traitement des eaux en bouteille. Car «des pratiques ont été cachées au grand public” explique la sénatrice écologiste Antoinette Gühl. Nous espérons que cette mission permettra non seulement de faire toute la lumière sur l’ampleur des contaminations, mais également d’avertir au plus vite les consommateurs de ce qu’ils boivent et des risques éventuels pour leur santé.

 

Les sources :

[1] https://www.lemonde.fr/planete/article/2024/01/30/eaux-en-bouteille-des-traitements-non-conformes-utilises-a-grande-echelle_6213815_3244.html

[2] https://www.huffingtonpost.fr/politique/article/eaux-minerales-de-nestle-comment-le-gouvernement-a-cache-des-pratiques-interdites_229054.html

[3] https://www.francetvinfo.fr/sante/info-franceinfo-hepar-perrier-vittel-contrex-la-qualite-sanitaire-des-eaux-du-groupe-nestle-pas-garantie-selon-une-expertise-remise-au-gouvernement_6465164.html

[4] https://www.lemonde.fr/planete/article/2024/04/04/la-qualite-sanitaire-des-eaux-minerales-nestle-n-est-pas-garantie-selon-une-note-confidentielle-de-l-anses_6225911_3244.html

[5] https://www.anses.fr/fr/content/pfas-des-substances-chimiques-persistantes

[6] https://www.francetvinfo.fr/sante/info-franceinfo-hepar-perrier-vittel-contrex-la-qualite-sanitaire-des-eaux-du-groupe-nestle-pas-garantie-selon-une-expertise-remise-au-gouvernement_6465164.html

[7] https://www.francetvinfo.fr/sante/scandale-des-eaux-nestle-contaminees-aucune-information-n-a-ete-communiquee-aux-consommateurs-ni-par-nestle-ni-par-les-autorites-c-est-grave-deplore-foodwatch_6465671.html

[8] https://www.liberation.fr/environnement/scandale-des-eaux-minerales-contaminees-le-senat-lance-une-mission-parlementaire-20240411_3DAFFJLYMBALDHCDP4X3KP4CHY/?redirected=1

En bouteille ou au robinet : l’eau potable, un sujet de consommation brûlant.

En 2024, l’Adéic fait de l’eau potable l’un de ses principaux chevaux de bataille. L’association a demandé au CNA (Conseil National de l’Alimentation) et à sa présidente Mme Laurence Maillard-Mehaignerie l’ouverture d’un groupe de travail sur la qualité de l’eau.

Pourquoi cette demande ? Puisque la question de l’eau potable et de son traitement est plus que jamais d’actualité. En janvier dernier, nous apprenions, par l’intermédiaire de l’AFP[1], que les multinationales Nestlé Waters et Sources Alma (Cristalline) usaient de traitements interdits pour « purifier » leur eau, pourtant estampillée « naturelle » ou « de source ». Nestlé Waters avait confié dès 2021 aux autorités gouvernementales utiliser des traitements comme du charbon actif ou des UV pour garantir leur « sécurité alimentaire ». Or, cela rentre en contradiction avec le règlement des eaux minérales naturelles en Union Européenne, et cela s’assimile à une tromperie pour le consommateur, qui croit boire de l’eau tout à fait « naturelle ». L’association Foodwatch a d’ailleurs déclaré ce mercredi 21 février qu’elle allait « porter plainte » contre le géant Nestlé, estimant que « C’est une fraude massive dont Nestlé Waters, le groupe Sources Alma mais aussi l’Etat français devront répondre »[2].

Nanoplastiques et pesticides : voyage en eaux troubles.

La question de la qualité de l’eau en bouteille se pose également aujourd’hui en raison de la pollution aux microplastiques. En juillet 2022, une étude de l’association Agir pour l’environnement révélait qu’en France, 78% des bouteilles d’eau vendues contenaient des particules de plastique, provenant de la bouteille, du bouchon, et du processus d’embouteillage. En janvier 2024, une étude américaine relayée par Le Monde[3] faisait état d’environ 240 000 nanoparticules de plastique par litre d’eau testée, soit de cent à mille fois plus que précédemment rapporté. Nous n’en sommes qu’au début d’une prise de conscience vertigineuse de la présence des plastiques dans l’eau consommée, et les études scientifiques sont trop peu nombreuses pour savoir à quel point cette présence est nocive pour la santé humaine. Toujours est-il que les associations de consommateurs doivent être plus que jamais vigilantes et informer au mieux les consommateurs sur l’eau qu’ils achètent.

Enfin, l’ouverture de ce groupe de travail vise à évaluer la qualité de l’eau du robinet, elle aussi au centre de problématiques sanitaires et écologiques. Ainsi, un récent rapport de l’Anses a fait état de plus de 150 pesticides détectables dans l’eau potable en France[4]. Un résidu de pesticide, le chlorothalonil, a particulièrement alerté  : interdit depuis 2020 en raison d’un potentiel effet cancérogène, il est resté détectable trois ans plus tard, dans plus d’un échantillon sur deux. En plus des pesticides, l’Anses a également révélé la présence surprenante de résidus d’explosifs, liés aux activités militaires du siècle passé, ainsi que d’un solvant cancérogène, présent dans 8% des échantillons analysés. Cela montre à quel point notre eau est fragile, soumise à la présence persistante de substances nocives, même plusieurs années après leur interdiction. La récente décision du gouvernement, de mettre « en pause » le plan Ecophyto censé limiter la présence de produits phytosanitaires dans les cultures, va certainement contribuer à dégrader encore davantage l’eau qui sort de nos robinets.

Produit de plus en plus rare et précieux, nous avons encore la chance, en France, d’avoir de l’eau potable au robinet. Mais de plus en plus de territoires font exception, en termes de qualité comme en Bretagne, mais aussi de quantité, comme dans les Pyrénées-Orientales, où certains villages ne sont plus approvisionnés que par camions-citernes. Sans compter les territoires où l’eau est polluée sans que les consommateurs n’en soient informés.

L’Adéic lutte pour une information claire, sans ambiguïtés auprès des consommateurs, et une consommation en toute conscience. C’est pourquoi elle appelle de ses vœux une concertation qui réunisse scientifiques, acteurs de la vie associative et instances gouvernementales, pour aborder frontalement ce sujet de santé publique et garantir le droit à une eau de qualité.

 

Les sources :

[1] https://www.lemonde.fr/sante/article/2024/01/29/nestle-reconnait-avoir-eu-recours-a-des-traitements-interdits-sur-des-eaux-minerales-pour-maintenir-leur-securite-alimentaire_6213670_1651302.html

[2] https://www.ouest-france.fr/economie/consommation/scandale-des-eaux-minerales-desinfectees-foodwatch-porte-plainte-contre-nestle-182ed306-d0a6-11ee-bb1e-59012ec94aef

[3] https://www.lemonde.fr/planete/article/2024/01/09/une-nouvelle-methode-d-analyse-revele-la-presence-massive-de-nanoparticules-de-plastique-dans-l-eau-en-bouteille_6209933_3244.html

[4] https://www.francetvinfo.fr/monde/environnement/pesticides/eau-potable-en-france-ce-qu-il-faut-retenir-du-rapport-de-l-anses-qui-revele-une-vaste-contamination-aux-residus-de-pesticides_5755724.html

Stratégie Ecophyto : L’Adéic alerte sur l’eau, les herbicides et pesticides !

La stratégie « Ecophyto » du gouvernement récemment votée ne permet pas, selon l’Adéic, de garantir la santé humaine et animale face aux pesticides, ni d’informer correctement le consommateur sur les risques qu’il encourt.

 

Relancée en 2023 par les ministères de l’Agriculture et de la Transition écologique, la stratégie « Ecophyto » partait de la nécessité de réduire les produits phytopharmaceutiques dans l’agriculture, pour préserver la santé humaine et des écosystèmes, et de proposer aux agriculteurs des solutions alternatives et pérennes. Cependant, l’Adéic ULCC, en tant que membre du Conseil supérieur d’orientation (CSO) du Ministère de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire, a récemment voté contre cette stratégie « Ecophyto » du gouvernement.

Le maintien de pesticides dangereux.

Les choix envisagés n’étaient pas, à notre avis, suffisamment ambitieux, face aux multiples dangers et difficultés auxquels nous sommes aujourd’hui confrontés. Le principe de précaution notamment n’est toujours pas respecté, malgré le scandale de la pollution au Chlordécone vécue aux Antilles. Nous ne pouvons malheureusement que le regretter puisque la stratégie a été finalement adoptée : 5 voix contre (l’Adéic, la Confédération paysanne, France Nature Environnement, WWF, la FNAF-CGT) mais 19 pour.

Sous prétexte qu’il n’y a pas, pour les exploitants agricoles, d’alternatives à certains types de traitements, le ministre de l’Agriculture, Marc Fesneau, a choisi de renouveler l’autorisation d’utilisation du glyphosate et du prosulfocarbe, alors que ces produits sont considérés comme dangereux pour la santé humaine, en particulier pour les enfants.

Deuxième herbicide le plus vendu en France après le glyphosate, on retrouve le prosulfocarbe, qui est extrêmement volatile, dispersé dans l’air ambiant, dans l’eau et dans tous les espaces cultivés. Les cultures Bio de proximité sont polluées, nos aliments (céréales, fruits et légumes) sont contaminés par cette molécule. De récentes données indiquent d’ailleurs que le prosulfocarbe fait partie des pesticides les plus fréquemment retrouvés dans l’air ambiant partout en France.

Des garanties nécessaires pour les consommateurs.

L’eau potable est polluée dans de nombreux départements par des résidus de nitrates, de pesticides, d’herbicides et fongicides, utilisés dans l’agriculture intensive. La contamination au prosulfocarbe est particulièrement inquiétante. En 2017 déjà, l’Anses faisait état de « niveaux de quantification assez élevés ».

Dans ce contexte anxiogène, l’Adéic demande que tous les consommateurs soient pleinement informés des pollutions observées, ce qui n’est pas toujours le cas. La qualité de l’eau potable doit être garantie par l’Etat et, pour cela, il faudrait que des analyses appropriées soient effectuées régulièrement sur tous les captages, dans l’ensemble des territoires. C’est la seule solution, à notre avis, pour tenter de contrôler la situation et disposer d’une vision fiable, d’une cartographie actualisée de l’étendue des dégâts.

L’eau commercialisée en bouteilles plastique, qui est souvent préférée à l’eau du robinet par les consommateurs, pose également problème – comme toutes les autres boissons sous emballage plastique – en raison des nanoparticules que nous ingérons, d’une ampleur jusqu’à présent insoupçonnée. Dans ce contexte inquiétant pour la santé, il nous paraitrait pertinent de revenir rapidement à des bouteilles en verre (voir à ce propos l’article du Monde « Dans les bouteilles d’eau, une présence plus inquiétante de particules de plastique« ).

L’Adéic souhaite enfin que les produits phytosanitaires jugés dangereux pour la santé humaine et animale soient définitivement interdits sur certains territoires, en priorité dans les zones Natural 2000 ainsi que dans les Parcs naturels, afin de créer des espaces protégés pour la biodiversité.

 

Malgré l’adoption de cette stratégie, l’Adéic ne baisse pas les bras : nous continuerons de réclamer une information transparents sur les risques liés aux produits phytosanitaires, et des garanties solides de préservation de notre environnement.

L’Adéic au ministère de l’Agriculture pour faire le point sur la planification écologique

L’Adeic – ULCC a participé, mercredi 20 décembre, au Conseil supérieur d’orientation (CSO) du ministère de l’Agriculture et de la souveraineté alimentaire, en présence du Ministre Marc Fesneau, et du Secrétaire général à la planification écologique (SGPE) Antoine Pellion.

Un point d’étape sur les travaux de planification écologique était à l’ordre du jour, présentant notamment les diverses mesures concernant l’agriculture, l’alimentation et la forêt, qui seront pilotées directement par le Ministère, et les financements alloués à ces actions (approche pluriannuelle).

La présentation des enjeux, des objectifs ciblés et des mesures envisagées était de qualité. A cette occasion, le besoin de cohérence a été à plusieurs reprises souligné par le Ministre et le SGPE : une cohérence entre la France et l’Europe, le national et le régional, entre les différents ministères et instances concernés, mais aussi entre les acteurs de terrain et entre les diverses mesures engagées.

La gestion de l’eau : une urgence.

Face aux évolutions climatiques auxquelles nous sommes confrontés depuis plusieurs années, nous devons nous adapter à des étés plus chauds et prévenir des phénomènes météorologiques violents de plus en plus fréquents (orages, averses, ouragans, inondations…). Dans ce contexte, l’Adéic se montre particulièrement préoccupée par la gestion de l’eau, car elle manque cruellement sur certains territoires, et du fait des pénuries et des pollutions observées, la qualité de l’eau potable devient aussi préoccupante localement.

Dans le cadre de la planification écologique qui vient d’être engagée, il faudra donc que les consommateurs obtiennent des garanties sur la qualité de l’eau potable, qu’ils payent d’ailleurs de plus en plus cher.  Il sera également nécessaire de chercher à économiser l’eau, de la partager de façon équitable entre les consommateurs, les exploitants agricoles, les entreprises industrielles, ce qui créera probablement des tensions sur certains territoires.

Repérer et responsabiliser les pollutions.

Enfin, sur le volet des pollutions, le principe de précaution exigerait que les ARS (en lien avec le ministère de l’Agriculture et ses services déconcentrés) effectuent sur l’ensemble des territoires des analyses circonstanciées et régulières de l’eau potable. L’objectif serait d’obtenir une cartographie actualisée des captages où l’eau s’avère polluée (il manque aujourd’hui une vision complète de l’ampleur des dégâts) et de connaitre le type de pollution identifiée : résidus de nitrates, de produits phytosanitaires utilisés dans les cultures, autres pollutions chimiques d’origine industrielle ou médicamenteuse, etc.

Par ailleurs, cela pose la question cruciale de la responsabilité de ces pollutions et des recours juridiques à engager contre les pollueurs identifiés (en appliquant le principe du pollueur-payeur). Nous devons, en tant que consommateurs, être mieux informés des actions juridiques qui sont engagées dans ce domaine.