La nécessaire décarbonation de notre santé

Même si l’industrie de la santé n’est pas celle qui a le coût carbone le plus élevé, il est fondamental de songer à la décarboner. En effet, les secteurs des médicaments et des dispositifs médicaux (seringues, prothèses, appareils électroniques…), représentent, selon le think tank The Shift Project près de la moitié des émissions de gaz à effet de serre du système de santé français. Le poids carbone de notre santé équivaut chaque année aux émissions de plusieurs millions de voitures. Les médicaments consommés en France génèrent par an environ 9, 1 millions de tonnes de CO2 équivalent et les dispositifs médicaux, environ 7,4 millions de tonnes de CO₂e.

L’Adéic fait le point.

D’où viennent ces émissions ?

Pour les médicaments : environ 55 % des émissions de CO2e sont directement liées à la production des principes actifs, à la recherche et au développement ainsi qu’aux activités corporatives, 7 % à l’usage de certains gaz médicaux et 8 % proviennent de la production des emballages. En ce qui concerne les principes actifs, il faut savoir que leur production est mondialisée et qu’entre 60 et 80 % d’entre eux sont produits en Inde ou en Chine. De plus, cette production repose fortement sur des matières fossiles : du charbon est utilisé pour produire la vapeur industrielle et du pétrole sert de matière première à la production de médicaments.

Pour les dispositifs médicaux : les émissions de CO2e proviennent principalement de l’extraction des matières premières, de leur transformation en matériaux (plastiques, métaux, composants électroniques, matériaux composites), de la production industrielle pour construire des bâtiments et des machines ; pour fabriquer, assembler, stériliser etc. ; et du transport.

Quelles solutions ?

Il faut décarboner les industries des dispositifs médicaux et celles du médicament. Si rien n’est fait, les émissions pourraient croître du fait de l’augmentation des besoins (vieillissement, maladies chroniques), des innovations médicales, de la numérisation etc. et l’impact sur l’environnement de leurs émissions serait catastrophique.

Le Shift Project, outre qu’il tente de chiffrer les émissions de CO2e a pour objectif prioritaire d’identifier les leviers de décarbonation couvrant toute la chaîne de valeur afin d’atteindre les objectifs de la Stratégie Nationale Bas Carbone (SNBC) à 2050.

Pour cela, il propose des pistes pour réduire de 68 % les émissions du secteur des médicaments et de 72 %, celles du secteur des dispositifs médicaux d’ici cette date.

-Il faut déjà relocaliser une partie de la production en Europe car notre continent doit œuvrer pour son indépendance médicamenteuse, sa souveraineté en matière de santé et réduire l’empreinte carbone liée aux transports. Mais attention, il faudra relocaliser dans des pays ayant une électricité provenant de sources zéro émission, incluant les énergies renouvelables et le nucléaire.

il faut décarboner les usines (électrification, efficacité énergétique).

-il faut faire en sorte d’ allonger la durée de vie des dispositifs médicaux (réutilisation, réparation, stérilisation) de prescrire et consommer plus sobrement les médicaments.

Enfin, il faut mettre en place des normes carbone dans la commande publique et les régulations.

Pourquoi est-ce essentiel de décarboner ces industries ?

En France, nous consommons beaucoup de médicaments et de dispositifs médicaux. Plus nous consommons, plus nous émettons des gaz à effet de serre. Décarboner, c’est donc agir pour notre planète en polluant moins l’environnement. Cela implique de se passer du pétrole et du gaz, ce qui permettra de réduire les tensions sur l’approvisionnement en énergies fossiles et d’en être moins dépendants.  Comme le stipule The Shift Project : « Grâce à des actions volontaristes, le secteur des industries du médicament peut devenir résilient face aux crises énergétiques et réduire ses émissions de 68 % d’ici à 2050 » Celui des dispositifs médicaux pourrait quant à lui « diminuer ses émissions de 72% ».

Les émissions de gaz à effet de serre entraînent un dérèglement climatique engendrant des risques sanitaires (canicules, maladies, pollution atmosphérique, catastrophes naturelles.) En les réduisant, on agit pour la santé des citoyens. On ne peut pas accepter que les industries des médicaments et des dispositifs médicaux soient responsables, même partiellement, de la détérioration de la santé publique. Décarboner est donc une question de responsabilité envers la société.

Il faut accroître la souveraineté de notre continent en matière de santé et réduire le coût carbone des transports. Pour cela, relocaliser une partie de la production en Europe s’impose.

Il faut s’adapter aux nouvelles pratiques qui consistent à mettre en place des objectifs de neutralité carbone, se conformer aux nouvelles normes environnementales, s’engager dans le développement des énergies renouvelables et de procédés sobres en carbone. Tout cela pour permettre aux industries du médicament et du dispositif médical de rester compétitives.

Pour conclure

En tant que patients, assurés sociaux et citoyens, nous sommes tous concernés car c’est l’avenir de notre planète qui est en jeu. Nous nous devons d’encourager une politique de santé durable, de réclamer une baisse significative de l’empreinte carbone des médicaments et des dispositifs médicaux. En tant que consommateurs, nous devons avoir un usage sobre et raisonné des médicaments et des dispositifs médicaux. Toutefois, s’il s’avérait impossible de nous passer totalement du plastique et des énergies fossiles dans les industries de la santé, décidons de conserver le pétrole pour cet usage plutôt que pour fabriquer des bouteilles en plastique. Soigner la santé ne doit pas se faire au détriment du climat mais si l’on doit utiliser du pétrole pour quelque chose, autant le faire pour le bien-être de tous.