Inflation : quel bilan pour 2023 ?

            Depuis 2022, l’inflation fait partie de notre quotidien et nous en entendons parler chaque jour dans les médias. La conjonction de crises politiques, économiques et climatiques a beaucoup pesé sur le porte-monnaie des ménages, mais si l’année 2022 a été marquante par la hausse des prix, l’année 2023 a été plus contrastée, livrant un bilan mitigé.

Selon les derniers chiffres de l’INSEE, l’inflation en décembre 2023 a été de 3,7 %, avec un rebond de 0,2% par rapport à novembre, en raison de l’accélération des prix de l’énergie et des services. Si elle continue de peser sur la population française, le bilan de l’inflation semble moins préoccupant que l’an dernier à la même période, où elle atteignait le pic de 6,3% en février 2023. Une décrue inflationniste semble donc engagée en France, et l’on peut s’attendre à ce que les prix augmentent moins vite, même s’ils continueront d’augmenter.

Si l’on regarde dans le détail, l’année a été cependant marquée par une forte inflation des produits alimentaires, avec une hausse de 7,1% en décembre 2023, mais en décrue par rapport à novembre, où elle atteignait 7,7 %. Les produits frais ont subi une forte hausse (de 6,6% en novembre, à 8,8% en décembre), tandis que les « hors frais » ont été plus épargnés. Mais ce sont surtout les prix de l’énergie qui ont augmenté, avec une hausse de 5,6% sur un an en décembre, contre 3,1% en novembre, notamment en raison d’une augmentation constante des prix du gaz, aggravée par les tensions géopolitiques et une dépendance des importations. Sans compter qu’une nouvelle hausse de l’électricité est d’ores et déjà annoncée début 2024. Les services (locations, assurances…) ont également subi une hausse de 3,1 % en décembre, après 2,8% en novembre.

Augmentation des prix : le rôle opaque des industriels.

Cette inflation est certes due à une situation géopolitique de plus en plus tendue, mais on ne peut ignorer le rôle des industriels, notamment agroalimentaires, et des entreprises de grande distribution dans le gonflement des prix. En effet, plusieurs associations de consommateurs ont dénoncé une augmentation inédite des marges des gros industriels, qui seraient passé, selon elles, de 28% à plus de 48% entre 2021 et 2023[1]. En mars 2023, Fabio Panetta, membre du directoire de la Banque Centrale européenne, dénonçait déjà le « comportement opportuniste des entreprises qui pourrait retarder la baisse de l’inflation », jugeant que certaines d’entre elles « augmentaient les prix au-delà de ce qui était nécessaire pour aborder les augmentations de coûts[2] ». Cependant, l’association Adépale, qui réunit les PME de l’industrie agroalimentaire, y voit un amalgame, estimant que leurs industriels « ont des marges faibles, bien loin des 48% » dénoncés par les associations[3]. Quelle que soit la teneur de ces marges, les marques ont continué à demander des hausses de prix pour l’année 2024, des augmentations justifiées selon elles par des coûts qui continuent d’augmenter, et la baisse des volumes de vente.

2024 : quelles perspectives ?

Face à cette situation inflationniste, le gouvernement a cherché à faire pression auprès des raffineurs, afin de modérer les prix à la pompe. Bercy a également réclamé un effort aux industriels pour limiter le gonflement des marges et l’envol des prix dans les rayons. Ces initiatives ont pu donner quelques résultats, car les derniers chiffres de l’inflation calculés par l’Insee sont meilleurs que prévus. Cependant, le rétablissement d’une taxe sur l’électricité, qui devrait augmenter de 10% en février, pour renflouer les comptes publics, ne sonne pas comme une bonne nouvelle, et fait craindre un début d’année difficile…

Selon Olivier Garnier, directeur des études statistiques de la Banque de France, l’inflation devrait converger vers la barre des 2% au plus tard fin 2025[4]. En attendant, l’Insee prévoit une inflation à 2,6 % sur un an en juin prochain, tandis que la Banque de France l’estime à 2,5 % fin 2024. Quels que soient les chiffres à venir, les consommateurs doivent s’attendre à des prix qui continuent d’augmenter, moins vite on l’espère que l’année passée. La France – et l’Europe – sont prises dans une inflation de longue durée. Il reste à espérer que les grandes entreprises n’accroissent pas encore leurs marges sur des produits de première nécessité, et que le gouvernement adopte rapidement des mesures concrètes pour soutenir les ménages les plus précaires.

 

Sources :

[1] https://www.foodwatch.org/fr/actualites/2023/inflation-alimentaire-les-marges-indecentes-de-l-industrie-et-de-la-grande-distribution-dans-le-viseur

[2] https://www.ecb.europa.eu/press/key/date/2023/html/ecb.sp230322_2~af38beedf3.en.html

[3] https://www.capital.fr/entreprises-marches/inflation-alimentaire-le-debat-sur-lencadrement-des-marges-des-marques-refait-surface-1487028

[4] Principal frein à l’activité en 2023, l’inflation poursuit son reflux (usinenouvelle.com)

Communiqué de presse commun : TRVE

Consultation de la commission de régulation de l’énergie (CRE) sur les tarifs réglementés de vente de l’électricité (TRVE)

Front commun des associations de consommateurs et de la FNCCR pour préserver les TRVE

Associations de consommateurs et de collectivités locales, nous prenons la parole pour alerter sur un projet de la Commission de régulation de l’énergie (CRE) visant à accroître l’exposition des consommateurs et collectivités éligibles aux tarifs réglementés de l’électricité aux fluctuations fort risquées du marché de gros de l’électricité dans le seul but de faciliter le jeu de la concurrence.

La CRE a mis en consultation un projet de modification de la formule de calcul du tarif règlementé de vente de l’électricité. Elle propose une évolution de la méthode de calcul de la brique « coûts d’approvisionnement en énergie » des fournisseurs inacceptable, en ce qu’elle conduirait ces tarifs à s’éloigner encore davantage de ce que doit être leur mission première : protéger les consommateurs et autres clients éligibles à ces tarifs, dont les petites collectivités, d’une exposition trop grande à la volatilité des prix de gros de l’électricité.

Elle envisage ainsi de ne plus lisser sur deux années mais sur une seule le calcul du coût de l’approvisionnement en énergie. Ces évolutions, si elles devaient être adoptées, conduiraient mécaniquement à une plus grande « instabilité » des tarifs réglementés, qui deviendraient encore plus perméables qu’aujourd’hui aux fluctuations du marché.

Ce projet est contradictoire avec les déclarations gouvernementales appelant à des reformes protectrices du marché de gros de l’énergie. La parole politique se veut rassurante mais laisse les mains libres au régulateur qui lui déploie un agenda visant à exposer encore davantage les consommateurs au marché. La réforme proposée de la méthode de calcul du TRVE répond d’ailleurs assez exactement aux revendications présentées dans un Livre blanc de l’association nationale des opérateurs détaillants en énergie (ANODE) dans la perspective des dernières élections présidentielles. De fait, en page 5 ce livre blanc estimait que le tarif réglementé est « une véritable barrière pour le bon fonctionnement de la concurrence. A titre d’illustration, les TRVE ne prennent en compte l’évolution des coûts d’approvisionnement sur le marché qu’une seule fois par an, et avec un lissage sur deux ans. ». Le lissage sur deux ans était donc un obstacle à supprimer. Dans son projet la CRE répond ainsi parfaitement à cette demande des fournisseurs alternatifs : « Un raccourcissement de la période de lissage permettrait de réduire l’impact des TRVE sur la dynamique concurrentielle sur le marché de détail ».

La CRE cherche ainsi à prendre en compte les difficultés spécifiques de couverture marché des fournisseurs alternatifs. Ne produisant rien et étant souvent de très petites tailles, ces courtiers virtuels peinent à se couvrir et leur position sera facilitée s’ils devaient concurrencer un tarif réglementé basé sur un historique moins long.

Associations de consommateurs et de collectivités locales nous demandons à la CRE de renoncer à ce projet de refonte du calcul. Alors que de nombreux acteurs – et certains d’entre eux en sont d’ailleurs persuadés depuis longtemps – reconnaissent le rôle particulièrement salvateur d’une réglementation des tarifs dans le contexte actuel, il semblerait assez paradoxal de faire mine de reconnaître l’intérêt de ce « garde-fou », tout en cherchant par un mécanisme plutôt « obscur » pour le grand public à le dénaturer complétement.

L’Autorité de la concurrence dans son avis sur les tarifs de l’électricité de 2021, avait d’ailleurs insisté « sur l’importance que la question des TRV ne soit plus cantonnée à un débat d’experts et [avait invité] à un débat public éclairé sur le sujet. » Une consultation publique conduite sur quelques jours par le régulateur ne constitue en aucun cas ce que devrait être ce grand débat public, au vu de l’importance que revêt la question de la réglementation des tarifs dans le contexte actuel de crise du prix des énergies !

Dans cette perspective, et dans le cadre d’une remise à plat du marché de l’énergie, nous demandons à l’Etat de poursuivre ses négociations au niveau de l’Union européenne pour assurer une meilleure protection des consommateurs, des collectivités locales et des services publics qu’elles organisent. A cet effet, il s’agirait notamment de viser une remise en cause du principe de contestabilité des tarifs réglementés afin que ces derniers reflètent la vérité des coûts de l’opérateur historique.

Liste des signataires 

  • Associations de consommateurs :

ADEIC (Association de défense, d’éducation et d’information du consommateur), AFOC (Association force ouvrière consommateurs), AUE (Association des utilisateurs d’électricité), CLCV (Confédération de la consommation, du logement et du cadre de vie), CNAFAL (Conseil national de associations familiales laïques), CNAFC (Confédération nationale des associations familiales catholiques), CNL (Confédération nationale du logement), CSF (Confédération syndicale des familles), Familles de France, Association Léo Lagrange pour la défense des consommateurs, ORGECO Grand Paris (Organisation générale des consommateurs), UFC Que choisir.

  • Association de collectivités :

FNCCR (Fédération nationale des collectivités concédantes et régies).

Contact presse : FNCCR/Alexandre ALLION – 06.26.41.64.91 –  a.allion@fnccr.asso.fr

Contacts mobilisation :