Banques éthiques : comment les reconnaître ?
Lorsqu’on connaît le bilan désastreux de certaines banques françaises en matière de financement des énergies fossiles, d’inégalités salariales ou d’exil fiscal (comme le montrait le dossier passionnant de 60 millions de consommateurs), on peut être tenté de déplacer son épargne vers des structures plus vertueuses, qui nous garantissent des placements « éthiques ». Des alternatives aux grands groupes financiers existent, et se développent en contre-modèles de la banque avide de bénéfices. Mais comment les reconnaître, et quelles garanties offrent-elles ? Un tour d’horizon s’impose.
Des initiatives historiques et ancrées
L’épargne solidaire n’est pas nouvelle. Des initiatives comme les caisses de crédit mutuel, qui reposent sur des principes de coopération et d’entraide, existent dès le XIXe siècle, en réaction aux révolutions industrielles et au capitalisme croissant. Au XXe siècle, les « fonds d’investissement socialement responsables » se développent aux États-Unis, avec des structures qui refusent de financer l’Apartheid en Afrique du Sud ou la guerre du Vietnam.
Les premières banques éthiques modernes apparaissent en Europe dans les années 80, comme la banque Triodos aux Pays-Bas qui, dès 1980, revendique une transparence de ses investissements et lance le premier « fonds vert ». La Nef, première banque française à soutenir les projets écologiques et solidaires, apparaît en 1988, mais elle reste très confidentielle, et ne recueille pas l’intérêt des médias ou du grand public. Il faut attendre la crise des subprimes de 2008, pour que le grand public commence à se détourner des grandes banques et à s’intéresser davantage à l’épargne éthique.
Définition d’une banque éthique au XXIe siècle
Selon la charte de la Fédération Européenne des Banques Éthiques et Alternatives (FEBEA), fondée en 2001 à Bruxelles, les banques éthiques se fondent sur trois caractéristiques fondamentales :
- Le type de financements. Les banques s’engagent à financer uniquement des projets écologiques, sociaux et/ou culturels. Alors que les grands groupes investissent encore largement dans les énergies fossiles (352 milliards entre 2016 et 2021 pour les banques françaises), une banque comme la Nef ouvre ses financements à l’agriculture biologique ou aux énergies renouvelables.
- La transparence du financement. Une banque éthique s’engage à vous dire où va votre argent et publie des rapports annuels sur les projets qu’il finance, comme le Crédit Coopératif, qui propose également aux client.e.s d’orienter leur somme déposée vers le type de projet souhaité, selon leur sensibilité.
- Le management collaboratif. Il s’agit de maximiser la participation des salarié.es et des adhérent.es en leur proposant plusieurs degrés d’implication, afin de créer une « gouvernance partagée » qui, selon la FEBEA « protège de la manipulation de grands acteurs extérieurs » et les empêche de prendre le pouvoir sur l’institution.
Ceci dit, on peut dégager deux modèles de gouvernance des banques éthiques :
- Le type de la « Banca Etica » en Espagne, qui présente un ensemble d’intermédiaire financiers sous la supervision de la Banque d’Espagne. L’organigramme reste traditionnel et le droit de vote dépend de la participation au capital social et de la proportion d’actifs possédés.
- Le type de la banque coopérative ou citoyenne, qui dispose d’une assemblée générale dans laquelle tout sociétaire a un même pouvoir de vote, indépendamment du capital investi. Le principe étant qu’une personne = une voix. Ce modèle est adopté par les banques éthiques françaises.
Par ailleurs, certaines de ces institutions, appelées à tort « banques », ne disposent pas d’une licence bancaire, c’est-à-dire qu’elles ne sont pas autorisées à ouvrir de comptes courants, ni à émettre de moyens de paiement. Ce sont plutôt des coopératives de crédit, qui peuvent collecter de l’épargne et financer des projets, mais doivent s’adosser à de « vraies » banques pour assurer les services bancaires courants. C’était par exemple le cas de la NEF jusqu’en septembre 2024, date à laquelle l’institution a obtenu son agrément bancaire et a pu se détacher du Crédit Coopératif dont elle dépendait.
Les néo-banques sont-elles éthiques ?
Ces vingt dernières années, avec l’essor d’Internet, une série de nouvelles banques sans agence physique, appelées banques en ligne ou néo-banques, ont fait leur apparition. Beaucoup d’entre elles usent de l’argument éthique pour convaincre les usagers de leur confier de l’argent, mais peut-on vraiment s’y fier ?
Tout d’abord, le terme de « banque » est souvent utilisé à tort par ces organismes, qui n’ont pas toujours de licence bancaire, et dépendent de banques « mères » pour proposer des comptes courants ou moyens de paiement. Ainsi, BforBank dépend du Crédit Agricole, Boursorama du groupe Société Générale et Hello Bank du groupe BNP, comme le rappelle l’ACPR. Par conséquent, même si ces organismes se prétendent plus écologiques, ou moins émetteurs de carbone que les gros groupes, les dépôts d’argent se font auprès des banques traditionnelles, et peuvent servir à n’importe quel financement.
Qui plus est, ça n’est pas parce qu’une banque est entièrement dématérialisée qu’elle génère moins d’impact sur l’environnement. Comme l’explique Greenpeace, ces acteurs étant encore récents, il est difficile de savoir précisément comment est utilisé l’argent déposé. Cependant, des banques en ligne se distinguent clairement de leurs concurrents par l’obtention de certifications internationales. C’est le cas de Helios, fondée en 2020 et qui a récemment obtenu la certification « B-Corp », garantissant des engagements sociaux et environnementaux ainsi qu’une transparence de ses actions financière. D’autres banques émergentes ont encore besoin de temps pour que leur engagement éthique et écologique soit reconnu par des labels d’importance.
Il n’existe pas de banque idéale, mais pour peu que l’on prenne le temps de se renseigner – et de se faire guider – le paysage financier, largement diversifié depuis une vingtaine d’années, offre des possibilités de placer son argent en sachant à quoi il sert et où il est orienté. Cela contribue également au développement de modèles plus justes, qui cherchent à réduire les inégalité et l’empreinte carbone du monde financier, au lieu de laisser l’argent « dormir » dans des banques qui l’utilisent de manière opaque.