Depuis longtemps, nous vous informons sur les risques liés aux mélanges de substances chimiques, notamment de pesticides, répandus régulièrement sur les cultures.

Pour une bonne santé, l’OMS nous conseille de manger cinq fruits et légumes par jour. Mais, aujourd’hui, suivre ces recommandations serait a priori dangereux aux USA, les résidus de produits phytosanitaires présentant des risques de toxicité pour les hommes et les animaux mangeant les aliments traités. Sauf évidemment si l’on achète du Bio, ce que tous les ménages ne sont pas en mesure de faire malheureusement, pour des raisons financières et/ou d’approvisionnement.

Le journal « Le Monde » nous apprend en effet que les conclusions d’une étude américaine, conduite par une équipe pluridisciplinaire de chercheurs de l’université d’Harvard, ont été rendues publiques en janvier dernier dans la revue « Environnement international ». Portant sur les habitudes alimentaires d’un échantillon de 160 000 personnes, cette étude a montré l’impact des résidus de pesticides sur la santé humaine et notamment sur la mortalité.

Les territoires français ultramarins (Antilles, Réunion) en sont conscients, après le scandale du chlordécone. (https://reporterre.net/Scandale-du-chlordecone-aux-Antilles-le-parcours-du-combattant-des-malades).

Divers journaux nous informent également que les résidus de pesticides chimiques sur les fruits et légumes, avec des substances actives candidates à substitution, auraient augmenté dans l’Union Européenne entre 2011 et 2019 (passant de 18% à plus de 30%), alors que des engagements fermes avaient été pris, dans le cadre de l’U.E, pour au contraire les réduire de façon drastique (de moins 50% à l’horizon 2030). Les cerises, les abricots et les mûres, mais aussi les pommes, figurent parmi les fruits les plus contaminés aux pesticides. A noter : certains pesticides actuellement interdits pour leur dangerosité continueraient à être présents aujourd’hui dans nos assiettes.

Dans le même temps en Europe, l’ONG « PAN Europe » et la branche autrichienne de l’association « Les amis de la Terre » dénoncent le fait que divers états membres voudraient essayer de « torpiller » le projet législatif SAIO (« Statistics on Agricultural Imputs ans Outputs ») de la Commission Européenne, afin de limiter les informations susceptibles d’être disponibles sur les usages réels des pesticides et produits phytosanitaires en Europe : diverses sortes de produits épandus, quantités, localisations et surfaces concernées, types de cultures traitées, etc… Il faut noter que les modifications du projet, envisagées à l’initiative de ces états membres, entraveraient de fait la mise en œuvre de la stratégie « Farm to Fork » ou « F2F » (« De la ferme à la fourchette »), le volet agricole du Green Deal ou Pacte vert européen.

En France, l’Anses et Santé publique France ont lancé en octobre dernier une étude scientifique « PestiRiv » pour mieux connaitre et comprendre l’exposition aux pesticides des personnes riveraines des zones de cultures viticoles.

Des efforts nécessaires

Dans le contexte de la « planification écologique » annoncée par le Président Macron, il serait donc pertinent de veiller à ce que les résidus de pesticides diminuent enfin en France, comme cela a été décidé au niveau européen. C’est un vrai problème de sécurité alimentaire. L’information des consommateurs européens et de leurs associations doit aussi être privilégiée pour garantir une alimentation saine et sans risques. Il serait important également de renforcer les contrôles sur les fruits et légumes importés car ils s’avèrent, à notre avis, insuffisants. Des résidus de produits chimiques, dangereux pour leur toxicité et interdits en France, peuvent donc être retrouvés sur certains fruits et légumes vendus sur nos étals.

Par souci d’objectivité, nous avons choisi d’échanger sur cet article avec Aprifel (Agence pour la Recherche et l’Information en Fruits et Légumes), avec qui nous avons engagé un partenariat en matière d’éducation à l’alimentation et à la santé des enfants et adolescents. Voici donc quelques commentaires et éléments d’analyse qu’Aprifel nous a transmis au sujet des publications évoquées dans l’article :

Etude PAN Europe (en cours d’expertise par Aprifel) : 

« Créé en 1983, « PAN Europe » est un réseau d’organisations non-gouvernementales européennes qui promeuvent l’adoption de solutions alternatives à l’utilisation des pesticides. »

L’objet de l’étude, publiée et relayée en mars, est de faire évoluer les méthodes d’évaluation européennes des substances actives (molécules, composés chimiques) rentrant dans la composition des pesticides.

A date, selon les méthodes officielles d’évaluation européenne (règlement CE 1107/2009), des substances actives sont candidates à substitution lorsqu’elles sont évaluées comme à risque pour l’environnement ou la santé (règlement REACH) ;

« PAN Europe » a fait une étude spécifique sur les résidus des pesticides contenant des substances actives candidates à substitution : 

Résultat : en proportion les résidus des pesticides contenant des substances actives candidates à substitution ont augmenté

  • Car le nombre de pesticides au total a diminué (les produits dangereux sont supprimés), en proportion donc, les résidus de pesticides contenant des substances actives candidates à substitution progressent dans le temps ;
  • L’étude est faite sur le périmètre européen (sa transposition au niveau de la France est donc délicate).

Etude américaine « intake fruit and vegetables according to pesticide residue statuts in relation to all-cause and disease-specific mortality : results form three prospective cohorts studies” :

L’objet de cette étude est d’évaluer l’association entre la consommation de fruits et légumes (classés selon leur statut de résidus de pesticides), et la mortalité totale et spécifique à une cause. 

Cette étude se base sur trois grandes cohortes (études prospectives) américaines (Nurse Health Study I et II et Health Professional Follow-up Study (HPFS)), avec un suivi de 145 789 femmes et 24 353 hommes pendant 14 ans en moyenne à partir de 1998-1999.

Résultat : les participants qui consommaient ≥ 4 portions/jour de fruits et légumes à faible teneur en résidus de pesticides présentaient un risque de mortalité inférieur de 36 % (IC 95 % : 32 %-41 %) par rapport aux participants qui consommaient moins de 1 portion/jour. Aucune différence toutefois sur la mortalité pour une consommation de Fruits et Légumes à haute teneur en pesticides. La presse conclut que les bénéfices présupposés d’une augmentation de consommation de fruits et légumes ne sont pas prouvés, et suggère qu’une exposition à des résidus de pesticides par l’alimentation pourrait contrebalancer les effets bénéfiques de l’apport en fruits et légumes sur la mortalité.

Les points de vigilance : 

  • L’étude a été posée sur des cohortes suivies aux USA avec donc des méthodes de production, des produits utilisés différents.
  • Les résidus de pesticides sont estiméspar des modèles et méthodes de calcul (scoring), les résidus ne sont donc pas évalués « in situ » ou mesurés dans la population (exemple : analyse d’urine).
  • L’analyse globale de la population selon le niveau de consommation de fruits et légumes n’est pas effectuée.
  • La discussion sur les consommateurs de fruits et légumes à haute teneur en résidus de pesticides ne permet pas de conclure (aucun détail sur le niveau de transformation ni aucun détail sur les autres groupes d’aliments).
  • Les études épidémiologiques démontrant le rôle des Fruits et Légumes sur la santé ont été faites sur des modes de production « conventionnels » et sont aujourd’hui la base de la recommandation des 5 Fruits et Légumes par jour => l’étude américaine illustre donc la nécessité d’encadrer et de contrôler les résidus de pesticides. La réglementation phytosanitaire française reste très exigeante.
  • Aujourd’hui, 96,3% des fruits et légumes consommés en France sont conformes aux limites maximales de résidus de pesticides autorisés et 50% des fruits et légumes sont sans trace de pesticides (Rapport DGCCRF 2022 – Données 2020).

Le Conseil Scientifique d’Aprifel est en cours d’analyse de ces diverses publications et, si besoin, nous pouvons coordonner un échange à ce sujet. Enfin, une réelle joute journalistique est en cours sur les articles : https://www.lemonde.fr/planete/article/2022/06/02/pesticides-dangereux-le-monde-maintient-ses-informations-apres-la-contestation-de-deux-etudes_6128656_3244.html, qui illustre encore une fois l’importance de prendre avec beaucoup de précautions les études.